Rendements 2020
Le Crinao contre la proposition de l'Ava de 70 hl/ha, suite au 18 août
Rendements 2020
Publié le 23/07/2020 | par DL
C’est une première historique dans le vignoble alsacien, l’administration - qui par souci de ne pas interférer dans les débats professionnels s’abstenait jusque-là - a, cette fois-ci, fait basculer lourdement le scrutin contre l’avis de l’assemblée générale de l’Ava de proposer 70 hl/ha. Rendez-vous le 18 août pour une nouvelle proposition.
Une fois la proposition de rendement décidée en assemblée générale (AG) de l’Ava (lire encadré), celle-ci devait encore être acceptée par le Comité régional de l’Inao (Crinao). La réunion avait lieu vendredi 17 juillet dans la foulée de l’assemblée générale tenue la veille. Jérôme Bauer, président de l’Ava, avait laissé présager que la proposition finalement retenue par l’association des viticulteurs à 70 hl/ha ne serait pas retenue par le Crinao. « Je peux déjà vous dire avec assurance à 100 % que le négoce refusera les 70 hl. Et que le Synvira aussi probablement votera contre les 70 hl/ha. Quant à l’administration, a poursuivi Jérôme Bauer, je ne sais pas si elle s’abstiendra ou pas. Et donc le 70 hl/ha aura un vote défavorable. » À lui aussi de préciser à son assemblée que le Comité régional de l’Inao est composé de personnes qui « votent en âme et conscience » et non pas en tant qu’élus de la profession, leur nomination étant entérinée par le ministère de l’Agriculture.
Résultat historique
18 voix se sont prononcées défavorablement, c’est-à-dire contre la proposition de l’Ava à 70 hl/ha, et seulement cinq voix ont voté pour. Ainsi que l’avait prédit Jérôme Bauer, une grande majorité s’est prononcée défavorablement et, en particulier, l’administration : une première historique ! Traduisant un extrême isolement de la majorité de l’assemblée générale des producteurs de vins d’Alsace.
Quels signes l’administration a-t-elle voulu adresser au vignoble alsacien ? Interrogés, les représentants du ministère de l’Agriculture, à Colmar, n’ont pas voulu s’exprimer, renvoyant la question auprès des services de l’Inao. Juge-t-elle que la demande à 70 hl/ha est trop déraisonnable au regard des chiffres macroéconomiques de la filière ? Considère-t-elle qu’il n’est pas question de financer une distillation de crise avec des deniers publics si le vignoble devait encore surproduire ?
Si l’Ava ne trouvait pas à s’accorder sur un consensus avec le négoce et le Synvira, et, acceptable par l’administration et l’Inao, d’ici le 19 août, date du prochain Crinao, Jérôme Bauer a dit que « le scénario serait catastrophique avec à la clef un nouveau vote défavorable du Crinao ». Dans cette alternative, le président de l’Ava a assuré à son auditoire qu’il ne siégerait pas au prochain comité national de l’Inao en novembre, qui entérine les choix des appellations. Dans l’attente, Jérôme Bauer « ne désespère pas de trouver un accord »…
L’un des risques, pointe Francis Backert, président du Synvira, c’est de ne pas savoir quel volume devra être vendangé, et que le vignoble perde la souveraineté de ses décisions d’avenir. Rendez-vous le 18 août, date de la prochaine AG de l’Ava au Parc-Expo de Colmar.
Une « grande famille » divisée
L’assemblée générale de l’Ava s’est tenue jeudi 16 juillet dernier au Parc des expositions de Colmar dans une ambiance électrique. En cause : un débat sur les rendements du millésime, divisant un vignoble alsacien qui se prépare à un exercice 2020 douloureux. Près de 400 vignerons s’étaient massés à l’entrée du bâtiment pour manifester leur mécontentement face à la proposition de l'Ava de baisser les rendements de 80 à 60 hl/ha. Empêchant pendant un temps l’accès au parking, ils ont ensuite attendu dans le calme la fin de l’AG et le résultat du vote : 70 hl/ha, auquel s'oppose le Crinao (lire article principal). En écho au rassemblement du 25 juin dernier, les instigateurs de la manifestation appellent à rester mobilisés. Pour eux, moins de 70 hl/ha, c'est la mort de la viticulture, en Alsace.
L'année 2019, si elle est moins bonne que 2018, est marquée par une résistance de l'Alsace sur le marché et un crémant qui se porte bien, au national. Mais 2020 s'annonce difficile. Selon les chiffres rapportés par le Civa, les pertes s’élèveraient déjà à quelques dix millions de bouteilles perdues rien que sur le mois de mai. Sur la même période, l’Ava déplore en effet -21,4% de vente et 71 000 hl en moins par rapport aux cinq premiers mois de 2019.
Encadré de Léo Doré et Nicolas Busch, stagiaires, et Margot Fellmann
Lire aussi : « Il faut que l’on secoue le vignoble », sur le site de L'Est agricole et viticole, et sur le site du Paysan du Haut-Rhin.