Comprendre le stress oxydatif
Quand une plante est soumise à un environnement oxydant
Comprendre le stress oxydatif
Publié le 17/02/2023 | par DL
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L’équilibre rédox d’une plante résulte d’un côté de la production de déchets oxydants inhérents à la photorespiration et de l’autre de la production d’antioxydants. Ils ont pour rôle de neutraliser en permanence les déchets de photorespiration, et de protéger directement la plante contre des stress oxydatifs inéluctables en système cultivé.
« Le stress oxydatif est l’ensemble des agressions causées par des molécules dérivant de l’oxygène », peut-on lire comme définition universelle. Assez bien comprise et admise dans le domaine de la santé humaine, cette notion peine à prendre pied en agronomie.
On parle plus facilement de stress biotiques ou abiotiques, c’est-à-dire d’agressions par des organismes ou par le climat, ou qui ont pour origine des déséquilibres nutritifs, des carences ou des excès toxiques.
Pourquoi une agression biologique ou abiotique va-t-elle provoquer une oxydation ?
Parce qu’il respire et consomme de l’oxygène et du glucose, le vivant produit des déchets de respiration, comme du CO2 (gaz carbonique), de l’eau, et des produits « imparfaits » de ces réactions biochimiques qu’on retrouve sous forme d’espèces chimiques d’oxygène dégradées et que l’on nomme les radicaux superoxydes (ROS).
Dans la littérature chimique, ces formes d’oxygène sont représentées avec un point, tel que HO., RO., O2.-, etc. Le point signifie que ces formes d’oxygène disposent d’un électron libre, on parle d’entité radicalaire. La conséquence de cet électron baladeur est l’extrême réactivité de ces ROS, ce qui les rend extrêmement toxiques dans le milieu cellulaire. Ils sont connus pour dégrader l’ADN, la membrane lipidique des cellules et finalement altérer le bon fonctionnement métabolique de la cellule vivante.
Chez l’homme et l’animal, la principale source d’émission de ROS se situe au niveau du siège de la respiration, soit la mitochondrie, cet organite cellulaire à partir duquel l’être vivant tire son énergie. Et chez la plante, au niveau des chloroplastes, cet autre organite cellulaire siège de la photosynthèse et de la photorespiration.
Un arsenal pour neutraliser l’oxydation
Fort heureusement, le vivant a tout prévu et en particulier de neutraliser ces déchets oxydants de la respiration. Et la cellule vivante dispose d’un arsenal pour neutraliser en permanence ces ROS : avec des stratégies enzymatiques comme la glutathion-réductase, et non enzymatiques comme les vitamines, l’acide ascorbique, le tocophérol appelé aussi vitamine E, les carotènes, ou les fameux polyphénols comme les tanins.
La vitamine C ou le glutathion sont des molécules communes entre les animaux et les plantes. Mais ces dernières ont la faculté de produire une classe supplémentaire de composés antioxydants : les polyphénols. Leur capacité antiradicalaire est bien connue à travers notamment le « french paradoxe », ce régime alimentaire qui améliore les capacités de vieillissement.
Une balance entre oxydants et antioxydants
Tout se passe donc dans le stress oxydatif comme ci il y avait d’un côté cette production d’oxydants et de l’autre les antioxydants, à l’image d’une balance entre la production de ROS et d’antioxydants.
Le stress intervient quand la balance penche du côté des oxydants. Mais la cellule tente en permanence d’entretenir cet équilibre que l’on appelle l’homéostasie. Et comme nous parlons d’oxydation, cet équilibre ou déséquilibre se mesure avec le potentiel rédox.
Au-delà d’une plage d’équilibre entre 400-450 mVolts, la cellule est dans un état oxydé. Pour les agriculteurs et viticulteurs, un appareil arrive sur le marché pour mesurer ce potentiel rédox. Il s’agit du spectromètre portatif Senseen qui effectue par simple balayage lumineux sur la plante un spectre et en déduit par intelligence artificielle le potentiel rédox.
Il se trouve que cet équilibre rédox est la résultante de l’état rédox principalement de deux couples oxydo-réducteurs à fort pouvoir réducteur : le glutathion (omniprésent dans les cellules, plus particulièrement le cytosol, c’est-à-dire le liquide cellulaire, et notamment dans le foie chez l’homme) et l’ascorbate (de 20 à 300mM (milli-molaire) dans les chloroplastes), plus communément appelé vitamine C (Noctor, 2006).
Quels enseignements pour la viticulture ou l’agriculture ?
Chez l’humain, des praticiens proposent d’évaluer le statut oxydatif d’un patient à partir de 80 paramètres (Dr Michel Brack, 2014), on y retrouve toute une série de marqueurs comme les vitamines, le glutathion, des oligoéléments, bref des acteurs de « la protection antioxydante ». Mais chez la plante ?
Les antioxydants neutralisent les radicaux superoxydes, mais ils peuvent également être directement sollicités par ailleurs en tant que substances de défenses naturelles par exemple pour détoxifier la plante d’une substance étrangère. Citons l’exemple du complexe Glutathion-Atrazine, où le glutathion est engagé dans la détoxication de l’herbicide…
Dans ce cas, c’est du glutathion qui n’est donc plus disponible pour l’homéostasie. On comprend alors que le désherbant fait pencher la balance du mauvais côté…
Mais il peut y avoir d’autres sources de stress oxydatif faisant pencher la balance du côté oxydatif comme les UV, les carences minérales, les stress hydriques, les multiples pollutions, l’ozone, la proximité d’une ligne haute tension, le cuivre qui est un métal de transition et facilite donc les réactions oxydatives.
Des stress inéluctables en système cultivé
En réalité, les stress oxydatifs cumulés tout au long du cycle végétatif sont inéluctables quand on domestique et cultive une plante. La vigne ou l’arbre fruitier sont taillés et doivent cicatriser en utilisant leurs polyphénols pour faire « du bois » à l’endroit des cicatrices. Dans d’autres situations de stress, un sol tassé modifie l’alimentation minérale et la régulation hydrique d’une plante. Alors les carences ou excès toxiques de nutriments minéraux altèrent la photosynthèse et en particulier la production de polyphénols qui viennent à manquer pour les défenses naturelles et l’homéostasie.
Les recherches sur la biosynthèse des polyphénols ont montré une extraordinaire plasticité de cette biosynthèse par les plantes. Elles adaptent leur production en différents polyphénols en fonction des conditions environnementales. Leur objectif étant de se protéger par rapport à des agressions oxydantes.
Par exemple des plantes vont sécréter des amertumes répulsives en présence d’herbivores. Elles vont produire des écrans UV en cas de forte exposition. Elles vont neutraliser des molécules toxiques exogènes si besoin. Ou encore, elles vont émettre des polyphénols fongistatiques en cas d’attaque. La plante est donc capable de réorienter ses flux de carbones de photosynthèse vers tel ou tel polyphénol pour limiter un stress oxydant.
L’agriculture moderne qui cherche à agir avec de plus en plus d’élégance sur le vivant en utilisant des techniques les moins oxydantes possibles, fait considérablement évoluer ses pratiques et diminue la toxicité de ses intrants. L’outil Senseen de mesure de potentiel rédox permettra d’apprécier l’impact rédox des pratiques. Et de plus en plus d’opérateurs de l’agriculture réfléchissent leurs intrants par cette approche. .
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