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Stratégie

« Notre orientation bio motive nos clients à trouver le chemin du caveau »

Publié le 03/05/2020 | par Christophe Reibel

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Domaine Greiner
Philippe, Laurence, Jean et Vincent Greiner : à eux quatre, ils arrivent à suivre la cadence des travaux durant la saison.

À Riquewihr, la famille Greiner s’est bâti une clientèle en partant de zéro. La crise du Covid-19 casse sa trajectoire commerciale.

Philippe et Laurence Greiner n’ont pas choisi la facilité. Au début des années 2000, ils sont encore coopérateurs, un héritage des choix des parents de Philippe qui signent en leur temps un contrat d’apport total qui les lie pendant cinquante ans à leur structure. L’échéance de cet engagement arrive en 2005, l’année où Laurence rejoint le domaine après une formation viti-œno au CFPPA de Rouffach. Le couple réfléchit depuis quelques années déjà à faire de la bouteille. « Inutile d’y penser pendant que le siège se situait dans une ruelle de Riquewihr. La sortie d’exploitation dans la zone artisanale en 2001 a ouvert des perspectives », se rappelle Laurence. Le domaine investit petit à petit plus de 100 000 € pour s’équiper. En 2004, il achète un pressoir d’occasion et quelques cuves inox à chapeau flottant. Philippe réalise ses premières micro-vinifications sur 500 l. En 2005, il rentre l’équivalent d’un hectare de pinot blanc, de riesling, de pinot gris et de gewurztraminer. Le reste des raisins est vendu à deux coopératives sous contrats annuels d’abord, pluriannuels ensuite. Aujourd’hui le domaine livre encore trois hectares.

À la vigne, Philippe change son fusil d’épaule dès 2005. Il abandonne l’objectif du rendement autorisé. Il s’engage sur la conduite en bio et vise 50-60 hl/ha. Il teste pendant trois ans l’enherbement naturel, le rang travaillé du printemps jusqu’à floraison, la lame qui traite le cavaillon, le recours aux seuls cuivre et souffre épaulés par des tisanes et décoctions d’ortie et de prêle sèche. Deux jours sont nécessaires pour traiter les 10 ha en production éparpillés sur six communes et une soixantaine de parcelles. L’entreprise est certifiée en 2011. Avec le renfort de leurs fils, Jean en 2011 et Vincent en 2013, Philippe et Laurence arrivent à suivre la cadence des travaux sauf peut-être pour la descente des bois pour laquelle ils font parfois appel à un prestataire, histoire aussi de se dégager du temps pour se déplacer à quatre sur des salons.

Un projet à réétudier

Philippe a choisi d’élaborer une carte des vins sobre, sans cuvées particulières. « Il n’a pas voulu s’égarer sur trente-six références ou millésimes. Faire déguster les vins de tradition, de terroir, le crémant, le rouge et les vendanges tardives, c’est déjà un beau programme », estime Laurence. Philippe est à la manœuvre en cave mais « les décisions se prennent à quatre, les raisins se goûtent ensemble ». Le pressurage s’étale sur quatre à huit heures avec un maximum de 2 bars avant débourbage statique. Les moûts sont refroidis d’emblée avec des drapeaux. Le premier jus sert à réaliser un pied de cuve. Comme Philippe souhaite diminuer le sulfitage, il ensemence ses moûts depuis deux ans avec une formulation de levures sèches qui limite la combinaison de SO2. « Cela nous semble concluant. Les vins présentent de beaux profils aromatiques », annonce Laurence. Sylvaner, pinot blanc, riesling sont vinifiés le plus sec possible. Pinot gris et gewurztraminer ont une « attaque plus ronde ». La gamme terroir avec des acidités bien mûres « exprime la minéralité ». Elle est puissante, riche, longue en bouche, et réclame quatre à cinq ans avant d’être prête à boire.

Le domaine obtient ses clients initiaux fin 2006 en faisant découvrir ses vins à la famille, aux amis, aux relations. Le bouche-à-oreille, des opportunités, des dégustations, donnent une ampleur de 10 000 cols/an à la vente directe. En 2009, la perspective de l’arrivée de Jean et Vincent oblige à passer une vitesse supérieure. Le couple participe à des présentations du Civa, s’inscrit à des salons, spécialisés ou grand public, des marchés, se tenant essentiellement dans l’ouest de la France. Ces événements et des commandes groupées accélèrent la vente auprès d’une majorité de particuliers, mais aussi des restaurants, des cavistes, des bars à vins, de quelques importateurs. « L’orientation bio motive nos clients à trouver le chemin du caveau malgré sa position à l’écart », se félicite Laurence. « Il a fermé à la mi-mars. L’annonce du 11 mai pour un déconfinement progressif a provoqué des retours clients. Nous songeons à organiser une ou deux tournées de livraison dans l’Ouest, sur une semaine, sans frais de port. Ce sera une manière de récupérer des ventes envisagées sur des salons annulés en mars et avril. Nous avons perçu l’aide exceptionnelle de 1 500 € en quinze jours. Nous avons monté un dossier de chômage partiel. Nous envisageons de contracter un prêt garanti par l’État. Le manque de perspectives nous pèse. Nous sommes dans l’inconnu. C’est anxiogène. Notre projet d’engager en 2021 la construction d’une nouvelle cave, en rendant sa vocation viticole au hangar où elle est aménagée, est à réétudier. L’envie de vinifier plus est là. Mais nous n’aurons sans doute pas le choix. Comment oser se lancer sans savoir comment les choses vont évoluer ? »

 

Le bon choix du crémant

Le domaine produit, depuis peu, deux crémants bruts faiblement dosés. « Nous en avons d’abord proposé en revente. Nous en produisons désormais car il y avait de la demande », indique Laurence Greiner. Pour contourner l’obstacle de l’exiguïté de l’espace disponible, Philippe et Laurence transfèrent leur vin base chez un prestataire à Colmar qui surveille la deuxième fermentation en bouteille. « La traçabilité est totale. C’est bien notre vin. Le blanc est un 100 % pinot blanc qui pousse dans le grand cru Mandelberg. Il est fin et minéral. Le 2016 était le premier millésime. Le rosé a suivi en 2018. Une fois que nos clients ont suffisamment eu vent de l’offre, les ventes se sont accrues. Nous avons très vite été en rupture. »

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