Technique

Ferme des Grivées (Haute-Marne)

Récupérer les émanations passives de biométhane

Publié le 16/06/2023 | par DL

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D. Lefebvre
Philippe Collin, devant sa station de bioGNV, valorise de nombreux aspects de son exploitation, jusqu’aux émanations passives de son unité de méthanisation.

Le système Nénufar permet de collecter les émanations de biométhane « passives », issues des fosses et digestats ou de lisier. Elles sont valorisées en chaleur, en électricité avec un micro-cogénérateur, ou en BioGNV comme chez Philippe Collin à Breuvannes, dans la Haute-Marne.


Philippe Collin est un agriculteur pionnier de la méthanisation, « de deuxième génération », précise-t-il. Son unité de méthanisation de 250 kW électrique, date de 2010. En 2018, il figure parmi les premiers à lancer, sur sa ferme des Grivées, une station de biométhane pour véhicule avec Prodéval, distributeur de biogaz. S’y approvisionnent les bus scolaires, les camions de collectes de lait, et les particuliers de passage qui n’hésitent pas à sortir de l’A31 toute proche pour se ravitailler, grâce aux applications de carte interactive « CarburOgaz » ou « Pitpoint ». Prix de vente : 1,20 €/l. Un litre de bioGNV équivaut à 1,2 l en gasoil.

Un projet familial

Pour parfaire son autonomisation énergétique, Philippe Collin lance une huilerie sur son exploitation de 300 ha, dont 180 en cultures et 120 en herbe pour une centaine de broutards. Sa sole se compose d’une quinzaine cultures différentes en bio. « Mes enfants reviennent sur l’exploitation, on va développer les circuits courts vers les grandes villes. La ferme devient une Scop de transformation avec la viande, le maraîchage sous serre chauffée au biogaz, et bientôt l’huile, l’arboriculture, la meunerie, voire les cochons sur paille, détaille l’exploitant. C’est un projet familial ! Il y a une réflexion profonde autour de la ferme. » Et la méthanisation est l’un des fondements de cette réflexion. « Cependant nous ne sommes pas autonomes en sourcing de matière organique pour approvisionner le méthaniseur. Notre prix a été multiplié par trois avec une pression sur les déchets organiques, où d’ailleurs la réglementation n’est pas toujours bien suivie… », regrette Philippe Collin.

Économiser les intrants organiques

C’est dans ce contexte général qu’il a décidé d’investir dans un dispositif Nénufar, l’entreprise est spécialisée dans la méthanisation en autonomie sur les exploitations d’élevage. « J’ai réfléchi ainsi : si j’investissais dans la station de BioGNV, alors je devais également investir dans des intrants organiques supplémentaires pour produire le bioGNV. Sinon je récupérais les émanations résiduelles de gaz. Et donc, ça me permet d’économiser des intrants organiques. »

Mis en service en novembre 2019, le dispositif Nénufar a coûté 55 000 €. « Ça permet de récupérer 120 kg de bioGNV par jour. À 1 euro, ça donne 43 800 € de chiffre d’affaires brut par an. » La bâche flottante couvre la cuve de stockage des digestats. « On hygiénise tout en sortie de digesteur, donc le stockage est chauffé. » Ce qui permet de récupérer 290 m3 de biogaz par jour, « c’est l’équivalent du biogaz nécessaire pour faire tourner un moteur de 22 kWh », ajoute Maxime Joubin de Nénufar. « C’est le plein du camion de collecte de lait tous les jours », ajoute Philippe Collin.

Il y aurait en réalité plein de petits postes sur les exploitations, potentiellement émetteurs de biométhane : là où il y a des entassements de matière organique anaérobies comme le fumier sous stabulation, ou les fosses sous élevage hors-sol. Le dispositif Nénufar vient capter et donc valoriser ces micro-émissions de biométhane.

Nénufar, la start-up qui gonfle

Nénufar est un dispositif de bâche autoportante et flottante, pouvant équiper tout type de fosse d’effluent, pour en récupérer les émanations passives de biométhane. L’idée est venue de deux jeunes d’AgroParisTech, Jeoffrey Moncorger et Remy Engel, qui ont lancé leur start-up en 2014. La bâche flottante Nénufar a d’abord été testée sur la ferme de l’Inra de Grignon (150 vaches laitières, elle produit 3 600 m3 de lisier annuel et dispose d’une fosse de 1 600 m3). Le dispositif a permis de récupérer 50 000 m3 de biogaz par an. Il équipe aujourd’hui 80 exploitations en bovin lait, viande, élevage porcin. 25 sont en construction. Et les valorisations sont nombreuses : eau chaude pour les veaux, microcogénération, chaudière. Une seule condition pour que la fosse à lisier émette du biogaz : il faut maintenir son agitation pour éviter la formation de croûte.

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