Médiation animale
Aider les plus fragiles avec ses poules, poneys, lapins, moutons…
Médiation animale
Publié le 02/01/2020 | par Anne Frintz
Médiateur animal est un métier nouveau* en France. Découverte, à Ehnwihr, avec Stéphanie De Sousa, médiatrice animale pour l’association À portée de crins, et les jeunes autistes et leurs éducateurs de l’IMPro du Ried Don Bosco.
« Ramenez une balle bleue », commande Stéphanie De Sousa. Laurena, Marie, Alexandre, Félicien, Mathis et Sacha, s’activent. Les six adolescents de 15 à 20 ans fréquentent le service d’accueil des jeunes autistes (Saja) de l’IMPro du Ried (Institut médico-professionnel), à Huttenheim. Depuis deux ans et demi, ils viennent une fois par semaine, pour une séance d’une heure à La Ferme du pays d’eaux, à Ehnwihr (Muttersholtz). Là, Stéphanie De Sousa les accueille en tant que médiatrice animale pour l’association À portée de crins.
Les jeunes ne cherchent pas les balles bleues seuls… Mais avec des poneys et des ânes, qu’ils tiennent au licol. Chaque binôme marche vers l’un des seaux disposés aux quatre coins du paddock, dans lesquels sont mélangées des balles de couleurs vives. Les ados piochent chacun une balle bleue et l’amènent à Stéphanie, qui enchaîne les consignes… de plus en plus vite, pour stimuler la troupe, doper le jeu, quitte à ce que l’un ou l’autre soit momentanément largué. « Promenez-vous », annonce la médiatrice animale.
Exercices et pure détente
Justine et Mathieu, les éducateurs qui accompagnent le groupe, veillent, avec Stéphanie, à ce que les jeunes s’approprient tout l’espace. L’objectif pour ce groupe d’ados, parmi les plus indépendants des autistes que reçoit Stéphanie, est d’acquérir un maximum d’autonomie tout en prenant les autres en considération. Justine et Mathieu constatent les progrès réalisés par les jeunes : « Ils se sont ouverts. Ils sont de plus en plus à l’aise avec les animaux, plus enclins à collaborer, à communiquer, à se déplacer en faisant attention aux autres… et aux consignes ! » Stéphanie interrompt : « On suit Mathis sur le parcours ». Chef de file, Mathis avance fièrement sur le pont de bois, à une extrémité de la carrière, suivi de ses camarades… sauf un. On répète la directive pour lui. Puis les jeunes rentrent les animaux à l’étable. Ils troquent les poneys pour des moutons. Là, les jeunes doivent les nourrir. Félicien qui a les granulés se tient à l’écart pour éviter l’émeute.
La météo est bonne, en ce début de mois de décembre. Moment de pure détente, au soleil, dans cette carrière bordée de prairies. Non loin coule une rivière. Le couple d’oies de la ferme s’approche du paddock, confiantes. « Comme on dit, les oies sont de retour », s’amuse Marie. « Un jour, on a même pu les caresser », se souvient Mathieu. Mathis, d’ailleurs, a « un truc » avec elles. C’est aussi que tous les animaux de Stéphanie sont élevés pour trouver le contact humain « sympa », précise la médiatrice. Mettre en confiance et garantir la liberté de tous, telles sont les missions de Stéphanie. Dépasser ses phobies, un blocage, s’intégrer dans un groupe. La médiatrice animale évalue à chaque fin de séance les progrès ou du moins le maintien des acquis des jeunes autistes pour qui elle a construit un programme, en lien avec les thérapeutes.
Communication non verbale
Stéphanie fonctionne avec différents ateliers : préparation du nourrissage, brossage et pansage, parcours ludique, jeu de mémoires, moment tactile, observation des comportements des animaux, connaissance des lieux et conditions de vies des différentes espèces. La séance avec le groupe de l’IMPro du Ried se termine par du portage de petits animaux et de l’observation. Laurena, Marie, Alexandre, Félicien, Mathis et Sacha prennent chacun à leur tour l’un des lapins ou l’une des poules à qui ils ont apporté des carottes et des feuilles de chou à leur arrivée à la ferme.
Mathis pose sa main sous un lapin et sent battre son cœur. Alexandre porte son rongeur enroulé dans une couverture. Le contact pour lui n’est pas chose aisée. « Il faut faire preuve d’humilité et de patience, souligne Stéphanie. Ce qui n’est pas possible aujourd’hui le sera peut-être demain. » Laurena est la seule à caresser une poule. « J’ai un pouvoir avec les poules », lâche-t-elle. En effet, l’oiseau est tranquille. Laurena glousse : « les poules sont drôles. J’aime leurs plumes et le bec. Et le bruit qu’elles font ! » Sacha confie qu’il a une préférence pour les chiens et les poneys en liberté. Quand il faut faire claquer le fouet dans les airs pour qu’ils courent. Un vrai cowboy. Stéphanie se réjouit de sa loquacité.
« Certains autistes ne parlent pas du tout, rappelle-t-elle. Travailler avec eux a de suite été une évidence. Je sais décrypter le langage corporel et entrer en communication non verbale, une communication accessible, a priori, au plus grand nombre : humains et animaux », explique Stéphanie, hyper attentive à tous. Les jeunes du Saja de l’IMPro du Ried sont parmi les plus bavards qu’accueille Stéphanie. Il n’empêche que détecter les signes de nervosité ou de surstimulation permet de circonscrire disputes et stress. La bande d’ados quitte les lieux dans la bonne humeur.
La médiation animale, c’est quoi ?
« La recherche des interactions positives issues de la mise en relation intentionnelle humain-animal dans les domaines éducatifs, sociaux ou thérapeutiques » : telle est la définition de la médiation animale par la fondation Adrienne et Pierre Sommer, qui œuvre depuis 1971, sous l’égide de la fondation de France.
La médiation animale doit permettre « l’intégration et le mieux-être des personnes fragilisées par la maladie, le handicap, le grand âge ou du fait d’un contexte social douloureux », résume la fondation.
Plus d’informations sur le site de la fondation Adrienne et Pierre Sommer : fondation-apsommer.org